Epidaure, petite cité d’Argolide, était réputée jadis pour son sanctuaire d’Asclepios, le héros guérisseur. Je m’y installe, face à une mer azur, sans me poser de question. Et je laisse faire. Je ne m’inquiète pas si le premier jour, c’est plutôt le calme qui l’emporte dans mon cerveau, voire la sérénité et le sommeil : c’est normal car c’est probablement l’heure de la sieste ! J’isole mes neurones. J’ouvre grand mon cœur. Le petit frisson de plaisir latent qui sommeille en moi ne demande, en fait, qu’à se manifester. Et à plonger dans le bleu. Tout simplement. Je me laisse aller, pour savourer ces doux instants d’abandon béat. Le voyage, c’est aussi cela. Et c’est bon, de temps en temps, de se rappeler que le temps peut durer plus longtemps. On dit souvent que, quand rien ne se passe, le temps s’arrête, comme si son existence n’était liée qu’aux choses qui s’y passent : attention de ne pas confondre le temps avec ce qu’il contient…

Je me réveille enfin. Lentement, mes yeux bleus caressent les cieux bleus. En plissant les paupières, je contemple encore autour de moi ces couleurs harmonieuses des reflets qu’offre le soleil à la mer. J’en profite car ses rayons devraient cesser de nous caresser la peau dans cinq milliards d’années. Je porte maintenant un autre regard que celui posé sur les livres d’histoire de mon enfance, en admirant les superbes vestiges du passé et je comprend mieux ces fameuses céramiques attiques à figures noires.
Au fil des jours, les matins se construisent lentement au rythme des moteurs de bateaux de pêche qui s’éloignent au loin en fendant les eaux violette ou rose pastel, selon l’heure. L’église, superbe de simplicité est accrochée sur la petite colline à gauche en regardant le large, entre cyprès et figuiers de barbarie. Elle rappelle à chaque heure, qu’elle existe toujours, comme pour perpétuer les ultimes croyances. Les cloches résonnent intensément…


Les dix mètres, à vol d’oiseau, qui séparent mon balcon du bateau de plongée me laisse présager de belles plongées : je ne sais pas pourquoi. Peut-être un rien de liberté où tout semble facile… Effectivement, l’heure de navigation avec « Sophia Loren », le bateau de Pascal, s’effectue sur une mer d’huile (d’olive ?). Seuls quelques poissons-volants perturbent, de leur sillage qu’ils tracent, ce lac survolé par un vol de cormorans. Il ne manque que les dauphins qui, paraît-il, sont légions au printemps : « On y marche dessus », exagère notre guide et responsable du club. Pourtant, il n’est pas marseillais !

La visibilité, à Epidaure, est exceptionnelle et l’on peut presque apercevoir le fond qui avoisine les quarante mètres. Et là, c’est le marseillais, votre serviteur, qui écrit… Nous sommes accueillis, dès les premières minutes, par de nombreuses méduses-œuf au plat, superbes et peu urticantes, qui abritent des poissons juvéniles. Leurs tentacules, d’un bleu puissant, rivalisent avec celui de la mer qui nous entoure. Peut-être pour nous rappeler que nous sommes bien en Grèce. La teinte saturée des volets des maisons l’atteste aussi.

Le « Tombant d’Aliotou », où nous plongeons à soixante mètres et plus, nous réserve de belles surprises colorées. Les multiples filets qui le tapissent représentent autant de draperies légères : ces châles de mort ne tuent heureusement plus car la vie a repris ses droits tellement le temps les a usé ! Ces voiles immobiles ferment les surplombs et ressemblent à des larmes que la mer exprime. Un poulpe se cache. Son œil symbolise la solitude et la fragilité de toutes les espèces en danger. On arrive à souhaiter qu’une main généreuse et invisible vienne à lever ces rideaux pour nous offrir un spectacle encore plus beau. Voilà un témoignage de la vie sous-marine. De la vie malgré tout. Au palier, une petite grotte cernée d’une arche à l’entrée est le lieu préféré des Doris dalmatiens qui se comptent par dizaines. Là, consciencieusement, ils dévorent les éponges violettes pour ne laisser que des traces blanches après leur passage. Un poisson-lime , essayant de se camoufler parmi les algues, nous accompagne jusqu’à la surface toujours aussi lisse.


En face, de l’autre côté du village d’Epidaure, le site « Delta », à droite, est adapté aux plongeurs débutants, parmi de gros blocs de rochers déposés sur le sable clair et rassurant. A gauche, les fonds sont réservés aux plus confirmés car la verticalité est un peu plus impressionnante. Un col d’amphore a été oublié vers vingt mètres, véritable témoin de la richesse du passé. Les étoiles de mer, les éponges encroûtantes et les bivalves « Arche de Noë » apportent des touches de couleurs vives au décor. Les girelles-paons, les serrans et les rougets se déplacent ensemble à travers un parterre d’oursins noirs et quelques nacres Pinna nobilis. Un hippocampe, jaune vif et assez timide, me sert de modèle : attendrissant. La mer, d’un calme olympien (si je puis dire !), nous invite à une pause sur la plage de la « Grotte aux Amoureux ». Plus loin, une autre petite église charmante regarde la mer à quelques mètres de la surface. Dommage qu’un architecte un peu mégalomane y est construit sa villa moderne. Pour sûr, le monument sacré valorise sa demeure et non le contraire… Un peu plus loin, au pied de la route sinueuse qui longe la mer, au lieu dit « The Bridge », j’observe un magnifique uranoscope. Il joue, dans le sable, à la momie, comme si je ne l’avais pas vu : photos ! Les « Roches noires » de l’île de Methana, cet ancien volcan transformé en presqu’île par une seule et étroite voie, sont… rouges.

Sous l’eau, Pascal découvre de nombreux morceaux de poteries parmi les gros blocs de rochers datant de la dernière éruption. A la pointe sud, des milliers de petits poissons (gavros) brillent sous le soleil dans l’attente de manger ou d’être mangé : ainsi est la nature. « Avantis III », sur nisis (île) Dhorousa, est la seule épave de la région mais, quelle épave ! La proue, visible de la surface et profondément enfoncée dans la roche, témoigne de la violence du choc. Elle est couchée sur bâbord avec sa poupe reposant dans le sable à cinquante mètres. Les mâts, haubans, drisses et cordages donnent du relief à ce bateau, créant de multiples sujets photographiques. Pas d’amphores ici bien sûr mais une moto et des ordinateurs qui flottent dans la timonerie : inutilité du modernisme ! Fin d’un épisode pour ce navire. Peu à peu, une nouvelle vie commence pour lui. Une murène s’y est installée et un poisson-lime juvénile se déplace sur le bout de la bouée qui signale l’épave.


Moins impressionnante, la randonnée aquatique sur « La Cité Engloutie » est un moment paisible à ne pas rater. A quelques minutes seulement du centre de plongée et dans moins de deux mètres d’eau, plus de deux mille ans d’histoire s’offrent à nous dans une eau cristalline : des murs de briques, des dalles, un puit, trois jarres (doliums) s’alignent pour notre plaisir. Ainsi, tel Poséïdon, cet « Empereur des mers », je m’imagine parcourir, avec mon char en or, un royaume de mers et d’océans à travers les vagues qui ne m’atteignent pas tandis que les dauphins m’entourent. La mer, toujours intensément bleue, est avec ces innombrables collines boisées de figuiers et d’oliviers, le poumon de la Grèce. Elle est chargée d’un passé invisible fait de conquêtes et de séductions. Quelquefois, le vent du nord vient l’effleurer de son souffle chaud. Accueillante à la hauteur de sa légende, la côte se dessine d’un trait saturé comme avec un aérographe parfait. Ici, le clignement des yeux est de rigueur, tellement le soleil est présent. Blancheur, ciel bleu et plaisir du temps qui suspend son vol…

Tout près de ces flots égéens, les aubes et les crépuscules flamboient sur l’horizon comme autant de fantasmes inassouvis. Il faut savoir alors déposer ses pensées, comme une offrande aux Dieux tant la nature reste humaine. Explorer ses sens. Vibrer. Se délecter du chant de la mer ou de celui du vent. Autant que d’un silence… Simple et fort à la fois. Faire de chaque instant une fête où l’émotion est reine. Epicure, au IVème siècle avant J.-C. déjà, annonçait que notre monde n’était qu’un parmi une infinité d’autres : le plaisir est un bien et la vertu en est sa mesure !

Voyager, philosopher et plonger.

Peut-être une voie (voix) vers le bonheur ?

Henri ESKENAZI
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Droit de reproduction réservé - Copyright texte et photos Henri Eskenazi

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INFORMATIONS PRATIQUES

 

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Un peu de géographie et d’histoire :

La Grèce : Qu’est-ce que la Grèce ? Le Parthénon d’Athènes, bien sûr ! Mais aussi, les maisons blanches empilées à flanc de colline, surplombant un petit port de pêche, sur fond d’eau turquoise et de ciel azur… La carte postale. C’est un pays d’Europe, riche de son histoire, au milieu de la Méditerranée, aux régions très différentes avec 9500 îles et îlots aussi beaux les uns que les autres.

Le Péloponnèse : Une des régions les plus variées (forêts, montagnes, plages, sites antiques…) de la Grèce avec sa forme caractéristique de trois doigts qui s’enfoncent dans la mer et séparée de la terre par l’étroit canal de Corinthe.

Epidaure (Palea Epidavros en grec) : C’est un village de pêcheurs qui se situe dans une baie magnifique, à 60 kilomètres de Corinthe, sur la mer Egée, dans l’Argolide, sur la côte Est du Péloponnèse. Mais comment vivre pleinement le pays des Hellènes sans passer par la case archéologique ? En effet, le grand théâtre, situé à 12 kilomètres du village, peut contenir 14 000 spectateurs. Il se compose d’une orchestra (la scène) circulaire en terre battue de presque 10 mètres de diamètre, entourée par des gradins en fer à cheval, divisés en deux niveaux par un couloir, le diazoma. Le niveau inférieur compte 32 rangées de gradins, divisées en 12 kerkidès par 11 escaliers. Le niveau supérieur compte 20 gradins et 22 kerkidès. Enfin, le bâtiment de scène est en pierre et doté d’un étage, avec deux sorties latérales pourvues de portes. L’acoustique y est exceptionnelle (elle permet aux derniers spectateurs en haut des gradins d’entendre distinctement des acteurs parlant à voix basse). A l’heure actuelle, surtout durant le festival d’art dramatique d’été, on y joue des tragédies d’Eschyle et de Sophocle. L’édifice est devenu le symbole du théâtre grec antique.

A savoir :

• Formalités : Passeport, même périmé (depuis moins de cinq ans) ou carte d’identité pour les ressortissants de l’Union européenne
• Visa : Aucun pour un séjour de moins de trois mois
• Vaccins : Aucun
• Transport : Paris-Athènes, 3 heures de vol puis, Athènes-Epidaure, 2 heures de route
• Langue : Le grec
• Superficie : 132 000 km2
• Population : 11 000 000 habitants (80 h/km2)
• Electricité : 220 V
• Monnaie : L’Euro
• Décalage horaire : Greenwich +2
• Indicatif téléphonique : 00 30
• Climat : Agréable toute l’année. Hivers quelquefois pluvieux. Printemps et automnes chauds sans excès avec pluies rares. Chaleur accablante en été. Le meltem, un vent du nord, peut souffler assez fort de juillet à septembre
• Température air : entre 6 et 38°C
• Température eau : entre 15 et 27°C

A lire :

• « Les guides de voyage » de National Géographic
• « L’Iliade » et « L’Odyssée » par les frères Stephanides (Sigma)

A voir :

• Le film « Zorba le Grec » (1965) avec une musique de Mikis Theodorakis

A écouter :

• Les chanteurs de variété Georges Moustaki et Nana Mouskouri
• La chanteuse soprano Maria Callas (Maria Kalogeropoulos)
• Le bouzouki, une sorte de luth à huit cordes et long manche qui accompagne les chants et danses traditionnels.

A visiter :

• Le théâtre antique d’Epidavros : passionnant
• L’île de Poros : attachant
• La forteresse de Palamidi à Nauplie : intéressant
• Le canal de Corinthe : étonnant.

A faire :

Les randonnées subaquatiques de « La Cité Engloutie », « Gefyra » et « Aliotou ».

A goûter :

• les mézès = hors-d’œuvre variés
• le tarama = mousse d’œufs de morue
• le tzatziki = concombre au yaourt
• les souvlakis = brochettes de viande
• la moussaka = gratin de pommes de terre, d’aubergines et de viande hachée

A consommer avec modération :

• l’ouzo = alcool à base d’anis.
• le résiné = vin blanc au goût particulier.

Où manger ?

• « Maïk » : simple, copieux, au bord de l’eau.
• « Taverna Perivoli » : excellent rapport qualité-prix, très bon service, cuisine traditionnelle variée, sur une terrasse ombragée par des orangers.

La plongée en Grèce :

Les eaux grecques sont restées longtemps interdites ou du moins contrôlées, en ce qui concerne la plongée. En janvier 2006, suite à un changement de lois, la pratique de la plongée s’est libéralisée, mais en reste encore à ses balbutiements. Les fonds sous-marins sont donc intacts et en excellent état de conservation.

Le bateau « Sophia Loren » est un bateau typiquement grec de 8,5m sur 2,7m, homologué pour 20 personnes, mais dont la capacité est volontairement réduite à 12, afin d’augmenter le confort des plongeurs à bord.

Le club francophone Epidive, tenu par les 2 Pascal et Sophie, est affilié PADI et CMAS.

Mes moments préférés :

• « Aliotou » est une falaise qui sort de la mer de 50m et qui tombe à la verticale jusqu’à –90m : époustouflant.
• « Avantis III » (ancien Akershus) est une épave d’un bateau de 79 m sur 12,50 m construit en 1977, accidenté le 19 novembre 2004 à 3h30 près de l’île Dhorousa et qui gît entre 20 et 50 m : émouvant.
• La « Cité Engloutie », vestiges archéologiques de l’ancien port d’Epidaure, dans une eau claire, sur un fond de 2 à 3 mètres : renversant.
• La méduse-œuf au plat (Cotylorhiza tuberculata) est une Scyphozoaire, c’est à dire une « méduse vraie », comme la Pelagia ou l’Aurelia : son corps est composé d’une ombrelle et de tentacules pourvus de nombreuses extensions terminées par un tubercule blanc ou mauve.

Adresses utiles :

Contact tour opérateur plongée :

« Voyageurs du Monde »
55, rue Sainte-Anne 75002 Paris
Tél : 0892 23 56 56 / 01 42 86 17 15
Web : www.vdm-plongee.com - Email : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Ambassade de Grèce
17, rue Auguste-Vacquerie - 75116 Paris
Tél. : 01 47 23 72 28
Fax. : 01 47 23 73 85
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Consulat général à Paris
23, rue Galilée - 75116 Paris
Tél. : 01 47 23 72 23
Fax. : 01 47 20 70 28
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Consulat général à Marseille
538, rue Paradis - 13008 Marseille
Tél. : 04 91 77 54 01
Fax. : 04 91 71 55 54
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Ambassade de France
Vass.Sofias, 7 - Athènes
Tél. : 210 3391 000

Consulat de France
Vass. Kostantinou,5-7 - Athènes
Tél. : 210 7290 151

Remerciements :

« Photodenfert »
6 rue Schoelcher 75014 Paris
Tél : 01 43 35 14 92
Fax : 01 43 27 77 73
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