Dominique Antony Artiste Peinture Murale

Paradise Plongée: Votre activité artistique: une vocation dès le départ ou une découverte à laquelle vous avez souhaité consacrer une majorité de votre temps ?
Dominique Antony: Je suis né à Strasbourg où j'ai passé mon enfance et subi mes études jusqu'à un bac qui m'a délivré pour toute la vie du poids et de l'exigence des institutions (sauf les contraintes non choisies auxquelles le citoyen ne peut échapper).

Le dessin, la peinture, l'eau (fascination pour l'élément aquatique et tout ce qui s'y rapporte), les nuages, ont toujours été mes centres d'intérêt, plus que les études que j'ai assez fortement détestées. Quelques exceptions, quelques rencontres déterminantes, un prof de philo passionné de musique et d'opéra, un prof de dessin qui est devenu un ami. Je quitte ma ville natale de Strasbourg pour la ville de l'aventure, la grosse ville anonyme, Paris. Je touche un peu à l'architecture, puis j'assume assez vite mon indépendance au point de ne pas "pousser" d'études mais de vaquer, faire des petits métiers idiots comme vendre des chewing-gum, voyager en stop en France et à l'étranger, faire de la photo, une affiche de temps à autre ou un chantier de peinture (en bâtiment !). J'entre chez Albert Champeaux, une "petite boîte de grands" du dessin animé, y dessinent les animateurs des films de Paul Grimault et Jacques Prévert (la Bergère et le ramoneur, le Voleur de Paratonnerre, le Roi et l'Oiseau). On y fait du dessin animé, des films d'animation, du trucage, de la pub. J'y apprends, sur le tas, tous les métiers, assistant, accessoiriste, monteur (images et sons en 35 mm). Ensuite, je me tourne vers le cinéma et la télévision, j'y suis accessoiriste, ensemblier puis décorateur. Je participe à toutes sortes de films, de petits budgets, marginaux, télé-films, variétés, films d'auteurs et jusqu'à une palme d'or à Cannes (Le Tambour). Tournages, rencontres, métier de nomade. La bifurcation. Suite à un film, un client me demande de décorer son hôtel particulier. Plus d'un an de travaux : peintures murales, trompe-l'oeil, plafonds peints, des audaces de décor, d'éclairage, de moquettes sur mesure. J'alterne ensuite les chantiers de peinture murale et les films, puis, il faut choisir. La peinture prend le pas. L'aventure de la peinture murale commence. Marié, deux enfants. Nous nous installons à Gentilly.

Paradise Plongée: Vers quel style de peinture vous êtes-vous orienté ?
Dominique Antony: La peinture murale: je m'y plonge, bien sûr et il faut gagner sa vie avec. Pas d'à côtés à enseigner l'art (dont on arriverait pas à vivre à des élèves qu'on inciterait à s'y lancer )! Curiosité, recherche, apprentissage, découverte. Métier difficile mais il faut être convaincu, travailler beaucoup (il n' y a pas d'heure, mais il y en a beaucoup) et métier aléatoire et fluctuant comme les vagues. Je suis passé tout naturellement de la quasi miniature de petites aquarelles confidentielles à la grande échelle, aux murs peints monumentaux, à la peinture murale.

Paradise Plongée: Vos références et «mentors» dans le domaine de la peinture ?
Dominique Antony: Des artistes comme Giambattista Tiepolo, Corot, Chardin, Balthus, Edward Hopper, Andrew Wyeth, Salvador Dali m'ont certainement inspiré, et bien d'autres encore,mais tout autant la lecture de poètes, certaines découvertes de la science et la musique qui comme l'image ou les facettes multiples de l'eau se passe des mots, nous fascine et nous porte.

Paradise Plongée: Expliquez-nous la technique que vous utilisez ?
Dominique Antony: C'est l'acrylique que j'utilise le plus souvent pour les peintures en intérieur. Les peintures murales peuvent être réalisées selon les supports, les dimensions (étude à faire) directement sur le mur ou sur une toile. Dans ce cas, je peins la toile en atelier, ensuite, elle est marouflée (collée) dans le lieu. En extérieur, la réalisation des peintures se fait directement sur le support. L'utilisation de produits spécifiques et des conditions d'application précises permettent d'obtenir une garantie de vingt ans de résistance de la teinte aux UV à partir de la date d'application. Mettre la main à la pâte, mélanger des couleurs, la technique, le cambouis, grimper aux échafaudages, la peinture murale est un métier physique. Les plus grandes que j'ai réalisées étaient de 1.300 m2.

Paradise Plongée: Comment définissez-vous la peinture murale et ses modalités de réalisation ?
Dominique Antony: Peinture murale, monde à part, monde méconnu, ignoré, qui n'entre ni dans les musées ni dans les galeries. La peinture murale n'est pas un agrandissement d'une peinture, c'est son rapport avec le public et notamment ce changement d'échelle d'avec une peinture de chevalet qui en fait la spécificité. La peinture murale, par ce qu'elle dépend de la commande d'institutions, de villes, d'entreprises, d'écoles, de parcs de stationnement, de particuliers requiert de son auteur une appréciation du contexte architectural, social, historique, une maîtrise technique du métier (le travail en grande dimension nécessite des produits spécifiques, un travail sur échafaudage ou nacelle), une connaissance de son public qu'il soit celui de la rue ou d'espaces plus restreint avec un public ciblé. La peinture murale c'est un rapport à la ville, l'architecture et l'urbanisme. Elle peut, quand les décideurs sont imaginatifs, donner une image, offrir une image, poétique, créative. La réussite d'une oeuvre est une affaire de talent partagé, celui de l'artisan-artiste et celui du commanditaire. La peinture murale favorise ce lien social si recherché et désiré par les architectes et les politiques.

Paradise Plongée: Le choix d’une toile est basé sur votre inspiration ? Une expérience ? Des photos ? Autres ?
Dominique Antony: L'inspiration est fonction de la sensibilité, mais en terme de peinture murale, par ce que située dans un lieu public ou semi-public et avec toujours d'assez grande dimensions, elle s' enrichit d'une réflexion sur le contexte topographique, le ou les points de vue, très important, les distances de perception d'une peinture, l'approche, c'est une vraie scénographie. Photos, notes écrites et croquis, relevés, dessins constituent les éléments à organiser, choisir, recomposer pour concevoir une image aboutie qui réponde à l'expression voulue, au lieu de la peinture et au public qui en sera le spectateur.

Paradise Plongée: Vos choix et votre technique ont-ils évolué au cours des années ?
Dominique Antony: Au fil des années, par l'expérience et des recherches, un savoir-faire, savoir-peindre s'affirme et en même temps je suis toujours curieux de découvrir un support, un produit ou une technique. A l'affût de techniques empruntées à d'autres monde que celui de la peinture. Déjà, en peinture murale je fais un ciel, des nuages, des fondus subtils avec un rouleau, outil grossier du bâtiment mais qui bien manié permet d'obtenir des résultats surprenants. Les outils, les objets quelconques peuvent, détournés devenir efficaces. Des objets insolites, un morceau de bois, des végétaux peuvent devenir outil à peindre, j'entends un outil pour déposer de la peinture. Mais je suis très fidèle à un produit s'il offre une qualité que j'aurai éprouvée et n'essayerai pas d' en changer à tout bout de champ. Aventureux et prudent.

Paradise Plongée: Quels sont les sujets que vous plébiscitez sur vos toiles ?
Dominique Antony: "L’artiste, c’est un poisson hors de l’eau" a écrit Malcolm de Chazal. La plongée et le monde aquatique et subaquatique me fascinent et me passionnent, comme les déserts et les terres sauvages. Vous trouverez ces mondes dans mes réalisations. Je suis plongeur niveau 3, initiateur et président d'un club de plongée à Paris (http://www.coeff13.org).
Je voyage à travers le monde autant que le temps et mes moyens (parfois moyens) me le permettent mais ai plongé en Australie, aux Philippines, en Mer Rouge, au Cap Vert. Tant de lieux encore à découvrir ! Le paysage sous-marin, le tumulte des vagues, l'enchantement des fonds, le passage dans le bleu d'un banc de poissons, les couleurs d'un nudibranche, le surgissement d'une murène m'émerveillent. J'observe, je m'imprègne d' atmosphères (si on peut le dire...) sous-marines, je note, prends des photos. Ces ambiances et les créatures observées se retrouveront dans mes peintures.

Paradise Plongée: Vous peignez vos toiles à la commande ou au gré de votre inspiration ?
Dominique Antony: La peinture murale nécessite des supports muraux physiques fixes qui sont confiés au peintre par le commanditaire et le montage des projets implique un travail dans des sites publics, ce qui fait qu'il y a forcément "commande". Historiquement, la peinture a presque uniquement fonctionné sur la "demande" (je préfère ce terme) de décideurs, du pouvoir. Le demandeur, par son choix, accorde une confiance et une liberté que délimite la proposition artistique du peintre, le contexte architectural (la peinture murale se souciera de tenir compte d'un environnement pour le faire valoir ou au contraire créer une rupture poétique dans la tristesse d' un tissus urbain). L'inspiration est à la fois imprégnation, intuition et exigence.

Paradise Plongée: Combien de toiles peignez-vous par an en moyenne ? Une toile «standard» représente combien d’heures de travail ?
Dominique Antony: Les peintures murales étant de dimensions très variées (les plus petites, de six à dix mètre carré, les plus grandes, de plus de mille mètres carré), ça dépendra des années. Difficile réponse !

Paradise Plongée: Pratiquez-vous d’autres activités artistiques ?
Dominique Antony: La mosaïque en ce moment.

Paradise Plongée: Vous exposez et faites connaître vos œuvres de quelle manière ? Dans quels pays ?
Dominique Antony: Le site Internet est l'outil de communication essentiel, ouvert sur le monde entier, mon site est en français mais aussi en anglais, ça lui ouvre un champ assez vaste, ce qui ne veut pas dire que du Japon on me demande d'intervenir là-bas, mais c'est possible, je bouge et me déplace partout. Il m'arrive assez souvent de faire des toiles pour l'étranger qui sont peintes en atelier puis roulées et envoyées dans un tube par avion, ça marche très bien !

Paradise Plongée: Vos clients sont généralement de quelle nationalité ? Ils pratiquent la plongée et sont passionnés par le monde marin ?
Dominique Antony: Mes clients sont par-ce-que je suis localisé en France (Gentilly-Paris) généralement français mais il n'y a pas de règles, ils sont plongeurs parfois, on le découvre en se rencontrant, c'est très important l'échange et la concertation, ou sinon ils peuvent être séduits par le monde sous-marin que je leur proposerais et parfois, se mettre à la plongée.

Paradise Plongée: Sur quels évènements intervenez-vous régulièrement ?
Dominique Antony: Les salons et les conventions, les musées, les parc de stationnement font appel à mes compétences comme tout créateur d'événement public travaillant sur la ville et les et les murs qu'elle offre qui sont de formidables supports pour y peindre ces images picturales qui seront vues de tous.

Paradise Plongée: Avez-vous obtenu des récompenses et prix artistiques ?
Dominique Antony: J'ai dû avoir un prix un jour, on m'a offert trois bouquins mais l'auto-complaisance qui peut exister dans une partie du monde artistique ne touche guère la peinture murale qui reste en dehors des circuits et réseaux "artistiques et culturels" à l'honneur, et c'est peut-être bien.

Paradise Plongée: L’art à votre niveau: une profession à part entière ou une activité parallèle ?
Dominique Antony: Je parlerai plutôt de peinture que d'art. J'y ai plongé et j'y suis plongé, c'est un métier à temps complet, impossible d'y faire juste trempette et RTT, c'est un investissement total, une vraie plongée riche et difficile.

Paradise Plongée: Vivre professionnellement de sa passion artistique, est-ce possible aujourd’hui ?
Dominique Antony: Oui, quand on est convaincu, autodidacte, c'est possible, mais c'est difficile et fluctuant. Ou alors, si vous entrez dans le monde de l'art officiel, est-ce encore une passion?

Paradise Plongée: Vos projets en cours et futurs ?
Dominique Antony: Une mosaïque pour un bâtiment-usine de Veolia, Générale des eaux et un grand mur de quarante deux mètres de long et douze mètres de haut en gestation, au stade de la conception qui devrait se concrétiser, en région parisienne, je ne peux pas en dire plus...

Paradise Plongée: Un regret sur votre parcours artistique «marin» ?
Dominique Antony: Le gâchis de l'énergie. Ceux qui ne puisent pas dans cette énergie créatrice des artistes qui ont besoin de tremplin, de public. Les possibilités insoupçonnées de la peinture murale, de l'anamorphose. La lenteur à mettre en place, lancer, réaliser un programme de peinture murale alors que les cartons regorgent d'esquisses de projets, d'idées qui ne demandent qu'à s'épanouir. Il existe heureusement des découvreurs et vrais curieux, amateurs, clients, journalistes, dont les instances culturelles n'ont pas réussi à façonner le goût.

Paradise Plongée: Un conseil pour un artiste qui souhaite se lancer dans la peinture, ayant notamment pour thème le milieu marin ?
Dominique Antony: Plonger, savoir voir. Peindre le milieu marin est très proche de la peinture de ciels, de nuages, question "d'atmosphère", la distance de couleurs, la représentation de créatures qui se perdent dans le bleu, cette subtilité me paraît essentielle dans la technique picturale. La profondeur, verticale et horizontale. La mer c'est un terrain "vague".

Paradise Plongée: Des rencontres insolites ou des expériences humaines qui vous ont marqué ?
Dominique Antony: Je citerai deux rencontres. De gens modestes. Un tailleur de pierre sur le chantier aérien de la cathédrale de Toul; discussion sur les toits au dessus de la ville, il m'a raconté l'histoire d'une gargouille dont on avait aucune archive et qu'il a créée : un singe à chapeau d'évêque tenant sa queue comme un tuyau d'arrosage, c'est un désaccord avec l'évêque de la région qui, malgré l'avis du professionnel de la pierre avait fait nettoyer l'intérieur de l'église au tuyaux d'arrosage, causant ainsi des dégradations conséquentes. Revanche inventive, pertinente autant qu'impertinente d'un créateur rencontré il y a des années, il faut que j'y retourne un jour, revoir ce clin d'oeil de pierre. L'autre rencontre, c'est un photographe, ami, modeste et accessible comme les vrais grands, malin et gentiment irrespectueux, un doux anar qui a longtemps "galéré", avec qui nous avons échangé, discuté, partagé des repas, vécus des moments riches, c'était Robert Doisneau.

Paradise Plongée: En dehors de la peinture, quels sont vos activités et centres d’intérêts ?
Dominique Antony: La photo, le cinéma, l'architecture, la plongée bien sûr, le VTT, les voyages, les déserts, la musique, marcher hors des chemins, rencontrer et observer les animaux, la nature, la lecture (trouver le temps, le prendre !), les inventions, les illusions, les images par dessus tout, c'est mon langage.

Paradise Plongée: Vous aimez :
Dominique Antony: L'autonomie, la nature, les gens inventifs, "partants".

Paradise Plongée: Vous détestez :
Dominique Antony: Ceux qui se ménagent, se préservent et s'économisent. Ceux qui ont le pouvoir d'user du pouvoir.


Dominique Antony et la Plongée sous-marine :

Paradise Plongée: Quand et à quelle occasion avez-vous découvert le milieu marin et débuté à plonger ?
Dominique Antony: De tous temps, par tout temps, j'ai été fasciné par l'eau, flaques, mares, torrents, rivières, mers. Gamin, j 'ai d'abord nagé sous l'eau là où je n'avais pas pied. Nage, apnée, chasse et assez tard venu à la plongée, pas par hasard, mais presque, en inscrivant mon fils à un cours d'anglais dans un centre d'activités.

Paradise Plongée: Expliquez-nous votre parcours plongée jusqu’à ce jour ?
Dominique Antony: Passage de niveaux dans un club à Paris. Je passe le brevet d'initiateur comme j'emmenai mon fils aîné, de douze ans à ce moment, dans un club de plongée pour enfant à Grigny, et que j' y aidais aux séances. Dans le club du treizième où j'ai été formé, j'ai été sollicité peut-être parce que j'organisais déjà des sorties de plongée, proposais une pédagogie ludique (formation avec les enfants) pour devenir président du club.

Paradise Plongée: Votre avis sur la pratique de la plongée actuellement ?
Dominique Antony: Le matériel change, les ordinateurs apportent la souplesse et sont plus "intelligents" que des tables carrées, c' est un progrès. Je pense qu'il y a des voies plus intuitives et plus directes que l'enseignement théorique qui prévaut dans beaucoup de domaines de la diffusion du savoir. La pédagogie, l'exemple sont essentiels à la sensibilisation à l'élément aquatique et à une vraie connaissance et pratique de la plongée. Des enfants et des analphabètes doivent pouvoir y accéder.

Paradise Plongée: Votre plus belle expérience et rencontre sous-marine ?
Dominique Antony: Rencontre avec un Saint-Pierre dans une eau cristalline en Bretagne. Nager avec un dauphin en pleine mer Rouge, avec un banc de dauphins dans un endroit un peu trop connu, mais quand même ! Requin en apnée, très tôt, avant le petit déjeuner quand la surface est encore fraîche de la nuit, en croisière dans le sud de la mer Rouge. Tant pis, j'ai donné plusieurs exemples, j'allais continuer...

Paradise Plongée: Dans quels endroits du monde avez-vous plongé ?
Dominique Antony: Bretagne, Méditerranée, France, Espagne, Mer Rouge, Cap Vert, Philippines.

Paradise Plongée: Spots de plongée préférés ?
Dominique Antony: Impressionnant, le Blue Hole en Egypte quand il était encore autorisé. La mer Rouge, mais il faudrait fouiller dans mon carnet de plongée, beaucoup de spots magnifiques partout.

Paradise Plongée: La personnalité du monde de la plongée qui vous sert de modèle ou vous a le plus marqué ?
Dominique Antony: Jacques Mayol moins pour la performance que son rapport à l'eau, respiration, évolution dans un milieu aquatique dont on aimerait tant qu'il devienne le nôtre.