Histoire de bouche et dedans…

On parle de « dent pharyngienne » lorsque il y a une formation dentaire implantée sur les os pharyngiens inférieurs ou supérieurs et dont l’ensemble constitue un organe triturateur. Ces dents pharyngiennes sont surtout développées chez les Labridés (Labres, Vieilles, Girelles) et les Cypriniformes (Carpes). Chez ces derniers, les dents n’existent que sur les os pharyngiens inférieurs (cératobranchiaux) et ont pour antagoniste une plaque masticatrice cornée dorsale. Les dents, qui sont dépourvues d’émail, se renouvellent très souvent au cours de la vie du poisson. Chez les Labridés et les Scaridés, les dents pharyngiennes sont portées aussi bien sur les cératobranchiaux que sur les pharyngobranchiaux (dorsaux) ; elles sont capables de broyer des aliments très coriaces, comme des mollusques à forte coquille ou des madrépores.

       
La dentition des requins

Le Denti ou Denté commun, de la famille des Sparidés, a gagné son nom grâce à sa dentition très puissante. Quelques Téléostéens (Poisson-Lune, Maquereau) utilisent également leurs dents pharyngiennes comme organe capable de reproduire les sons. Le Grand Dauphin possède de 20 à 28 dents d’un diamètre d’environ 1cm. Les requins, squales ou sélachimorphes, formant un super-ordre de poissons cartilagineux, peuvent posséder jusqu’à 3000 dents effilées, sur 6 à 20 rangées. Chaque rangée est poussée par la suivante vers l’extrémité de la mâchoire et est donc remplacée par la suivante. De plus, la mâchoire des requins n’est pas reliée aux os du crâne, ce qui permet une extension vers l’avant pour appréhender les grosses proies. Si les dents de l'Homme et d'autres mammifères contiennent de l'hydroxyapatite, les dents des requins contiennent de la fluorapatite minérale, c'est-à-dire du phosphate de calcium fluoré. Cette protection, couplée à la faculté de régénérer les dents tombées, assure aux requins une dentition redoutablement efficace.
 

       
Bouche en protrusion

 

       

Les autres bouches et dents !

   
 

Anecdote : Lors d’une de mes plongées à droite en sortant de la superbe calanque de Sormiou à Marseille, le long du tombant à une vingtaine de mètres, je reconnais l’allure serpentiforme si caractéristique d’une murène Muranea helena, de couleur brune, presque noire, mesurant plus d’un mètre de longueur. Elle semble curieuse et ses mouvements d’entrée et sortie de son trou m’incite à l’approcher au plus près pour la photographier. Je perçois très bien les deux tubes au-dessus de sa mâchoire supérieure qui représentent ses narines. Sa bouche large s’ouvre et se ferme de manière régulière. J’aperçois alors une de ses dents antérieures qui bougent anormalement. Va-t-elle la perdre maintenant ? Effectivement au bout de quelques minutes, dans un mouvement de fermeture, l’organe dentaire effectue un « double salto arrière » pour se retrouver, après un lent vol plané, au creux de… ma main ! Drôle de consultation et petit sourire dans mon détendeur. Savait-elle que je suis Chirurgien-Dentiste ? Sa petite dent pointue trône désormais dans ma vitrine entre celles de requins préhistoriques Carcharodon mégalodon, cousins du Grand Requin Blanc Carcharodon carcharias et présent en Méditerranée.

Docteur Henri Eskenazi
Chirurgien-Dentiste