Emotions voyage plongée Indonésie : les créatures des Sulawesi
La route défoncée par les dernières pluies se faufile à travers les vallons tapissés d’immenses cocotiers. Après un gymkhana de presque soixante minutes à travers les enfants poussant leur carriole, les multiples chiens bâtards et les poulets suicidaires, l’ancien volcan Manado Tua se dresse enfin devant nous, majestueux au milieu de l’océan. Cette partie nord-est de l’île Sulawesi en Indonésie est particulièrement intéressante avec ses blocs de rochers noirs provenant des éruptions multiples où sont parsemés quelques cases en bois ou en tôle au milieu de forêts de bananiers...
Dès la sortie de l’aéroport Sam Ratulangui, le premier char à bœuf nous rappelle que nous sommes bien en Asie ! L’odeur de clou de girofle des cigarettes Kretek, omniprésente dans la rue, doublée du son d’un kolintang, orchestre à percussions sur bois cempaka, confirme ainsi notre présence en Indonésie. Juste en face de notre hôtel, sur l’ouest de la côte, se trouvent deux îles, Pulau Bunaken et Pulau Siladen, au milieu d’un parc national marin préservé. C’est là que nous effectuons la plupart de nos plongées. D’autres immersions à une heure de bateau se font dans l’archipel des Bangka au Nord alors que pour aller à Lembech à l’est, royaume de la macrophotographie, nous prenons un véhicule qui nous nous amène par la route plus rapidement sur le site. Notre bateau, Thalassa 9, équipé de quatre moteurs Yamaha 40 chevaux, nous dépose en dix minutes sur un magnifique tombant qui plonge à -40 mètres. L’eau est claire et chaude, une combinaison de trois millimètres suffit. Les éponges barriques et les gorgones géantes foisonnent. Des cornatules aux couleurs vives s’accrochent à tous les substrats. Une belle tortue Eretmochelys imbricata manque me bousculer alors qu’un requin pointe blanche passe dans le bleu.
Quelques heures plus tard, Marcus notre guide, munis de sa petite baguette métallique, nous fait découvrir un monde minuscule merveilleux. A Abang Point, les nudibranches colorés, les poissons feuilles, les poissons fantômes arlequin, les crabes et les crevettes comblent notre appétit de photographes passionnés. En effet, nous nous retrouvons ici, 18 preneurs d’images en même temps, ce qui entraîne respect et tolérance de la part de tous. La photo sous-marine, nous savons ce que c’est ! Marcus m’appelle pour me montrer un superbe poisson fantôme arlequin noir blotti dans sa cornatule de la même couleur, pensant passer inaperçu mais, c’est sans compter sur l’oeil expert du plongeur indonésien qui m’a pris en charge aujourd’hui. À mon tour, je lui fais découvrir le plaisir de regarder à travers un 16 mm fish-eye et conseille à une débutante de mieux orienter son flash…
Tout ici est émerveillement de cette faune à la fois curieuse et rare avec échanges réciproques et discussions sur la biologie, la photo, les nouvelles destinations… Au pied de Manado Tua se trouve « Cofee Corner » ou Muka Kampung (face au village, en indonésien) avec ses nœuds de carangues et de barracudas entrelacés, ses requins pointe blanche, son napoléon et ses coraux Acropora où se tapissent quelques bébés requins à l’abri des regards indiscrets. Le courant ici est fort mais, source de vie. Il est la raison de ce foisonnement d’animaux, de prédateurs à l’affût, des plus petits aux plus gros. Sinon, c’est sûr qu’on n’est pas là pour se faire mal : mer clémente, eau à 28°C, plongées peu profondes, temps de navigation courts et richesse des espèces et des couleurs. Un cocktail détonnant !
Après une navigation agréable sur une mer calme, nous voici maintenant autour de l’île Bangka. La végétation luxuriante recouvre les rochers noirs volcaniques. Vers moins 30 mètres un banc de lutjans nous attend pour nous envelopper littéralement. A Sepia Point, bien sûr il y a des sèches toujours aussi passionnantes avec leurs couleurs électriques qui bordent leurs nageoires ondulantes. Un jeu s’instaure entre nous : qui partira le premier ? Après une dizaine de photos, je les quitte enfin, satisfait de moi. Et, évidemment sur le site de Magico, l’ambiance est magique d’autant plus qu’un superbe poisson grenouille jaune, lové dans une éponge, veut bien jouer les stars. Donc, pour cette sortie à la journée, première immersion de 60 minutes à 30 mètres, la deuxième, 60 minutes à 20 mètres et la troisième 60 minutes à 15 mètres, toujours dans la courbe de sécurité. J’adore ce rythme, peu fatigant, qui se prête bien à la photo : cent photos sous-marines par jour, c’est une bonne moyenne dans ces contrées lointaines et si riches ! Entre la deuxième et la troisième plongée, repos et pique-nique sur la plage de Sahaung juste en face des radeaux en bambou où vivent les pêcheurs aux lamparos.
Mais, le plus fou dans cette région, surtout pour les photographes en quête de petits animaux extraordinaires, reste le détroit de Lembeh que nous atteignons après deux heures de route vers l’est. Nous traversons les embouteillages de Manado pour embarquer sur des petits bateaux locaux qui nous permettent de pratiquer ce que les Anglo-Saxons appellent le « muck-diving » (plongée dans la vase, la lave ou la boue). Là, je ne pourrai malheureusement pas énumérer tous les animaux rares et curieux que nous rencontrons au mètre carré mais ils sont de toutes sortes, aux formes et couleurs les plus étranges sur fond de sable volcanique noir. Des dizaines en une seule journée. Ces multiples créatures déploient moult stratagèmes pour vivre et survivre dans ce milieu, à priori hostile. Pour le plus plaisir des passionnés de nature. Le retour par la route qui serpente à travers les grappes de bougainvilliers aux teintes nuancées enchante aussi nos yeux de touristes. De nombreux triporteur nous croisent (les « Bentor ») en dépit des règles de conduite européenne et de la nuit, tous les véhicules n’ont pas d’éclairage bien sûr : l’aventure c’est l’aventure ! Notre sens olfactif est aussi très sollicité par les odeurs des multiples fruits ou fleurs qui bordent notre chemin, mélangées à celles plus violentes de la très bonne cuisine indonésienne qui s’exhale des habitations.
La plongée de nuit de la semaine nous apporte, comme toutes les plongées nocturnes, la part de mystère qui caractérise ces moments d’exception. Pour donner de véritables sensations visuelles et émotives à notre esprit, il faut savoir jouer des instants magiques, des multiples détails qui enrichissent la vie, peu à peu, jusqu’à forger un être à part entière : tout à la fois comblé de son passé et à l’écoute de son présent. Dans un subtil jeu de couleurs pastel ou vives, de formes et de volumes, d’ombres mystérieuses, le Sulawesi dévoile ici tous ses trésors pour nous envelopper d’une atmosphère de plénitude. Sous l’eau de Manado, nous sommes loin des sentiers battus mais proches de nos vibrations primitives. Chaque seconde semble une éternité et pourtant ces instants lumineux sont toujours trop courts. Ici, un crabe orné de 1 000 artifices de camouflage pour mieux attaquer. On en oublie presque sa laideur. Et cet autre aux cheveux en bataille. Ou bien cette crevette aux rouges éclatants, ces minuscules limaces colorées, ces cornatules en mouvement sautant de corail en corail, ces danseuses espagnoles, ces poissons endormis, toujours aussi comiques, encore et encore… puis, la lune ma première image au-delà de la surface. Aucun vent aucun nuage ne vient troubler ce plafond céleste qui paraît infini : quel beau cadeau !
Alors que ces beautés envoûtantes font battre mon cœur de rythmes heureux, je pense, ivre d’histoires extraordinaires. Je pense mais cela, c’est une autre histoire…
Henri EskenaziDès la sortie de l’aéroport Sam Ratulangui, le premier char à bœuf nous rappelle que nous sommes bien en Asie ! L’odeur de clou de girofle des cigarettes Kretek, omniprésente dans la rue, doublée du son d’un kolintang, orchestre à percussions sur bois cempaka, confirme ainsi notre présence en Indonésie. Juste en face de notre hôtel, sur l’ouest de la côte, se trouvent deux îles, Pulau Bunaken et Pulau Siladen, au milieu d’un parc national marin préservé. C’est là que nous effectuons la plupart de nos plongées. D’autres immersions à une heure de bateau se font dans l’archipel des Bangka au Nord alors que pour aller à Lembech à l’est, royaume de la macrophotographie, nous prenons un véhicule qui nous nous amène par la route plus rapidement sur le site. Notre bateau, Thalassa 9, équipé de quatre moteurs Yamaha 40 chevaux, nous dépose en dix minutes sur un magnifique tombant qui plonge à -40 mètres. L’eau est claire et chaude, une combinaison de trois millimètres suffit. Les éponges barriques et les gorgones géantes foisonnent. Des cornatules aux couleurs vives s’accrochent à tous les substrats. Une belle tortue Eretmochelys imbricata manque me bousculer alors qu’un requin pointe blanche passe dans le bleu.
Quelques heures plus tard, Marcus notre guide, munis de sa petite baguette métallique, nous fait découvrir un monde minuscule merveilleux. A Abang Point, les nudibranches colorés, les poissons feuilles, les poissons fantômes arlequin, les crabes et les crevettes comblent notre appétit de photographes passionnés. En effet, nous nous retrouvons ici, 18 preneurs d’images en même temps, ce qui entraîne respect et tolérance de la part de tous. La photo sous-marine, nous savons ce que c’est ! Marcus m’appelle pour me montrer un superbe poisson fantôme arlequin noir blotti dans sa cornatule de la même couleur, pensant passer inaperçu mais, c’est sans compter sur l’oeil expert du plongeur indonésien qui m’a pris en charge aujourd’hui. À mon tour, je lui fais découvrir le plaisir de regarder à travers un 16 mm fish-eye et conseille à une débutante de mieux orienter son flash…Tout ici est émerveillement de cette faune à la fois curieuse et rare avec échanges réciproques et discussions sur la biologie, la photo, les nouvelles destinations… Au pied de Manado Tua se trouve « Cofee Corner » ou Muka Kampung (face au village, en indonésien) avec ses nœuds de carangues et de barracudas entrelacés, ses requins pointe blanche, son napoléon et ses coraux Acropora où se tapissent quelques bébés requins à l’abri des regards indiscrets. Le courant ici est fort mais, source de vie. Il est la raison de ce foisonnement d’animaux, de prédateurs à l’affût, des plus petits aux plus gros. Sinon, c’est sûr qu’on n’est pas là pour se faire mal : mer clémente, eau à 28°C, plongées peu profondes, temps de navigation courts et richesse des espèces et des couleurs. Un cocktail détonnant !
Après une navigation agréable sur une mer calme, nous voici maintenant autour de l’île Bangka. La végétation luxuriante recouvre les rochers noirs volcaniques. Vers moins 30 mètres un banc de lutjans nous attend pour nous envelopper littéralement. A Sepia Point, bien sûr il y a des sèches toujours aussi passionnantes avec leurs couleurs électriques qui bordent leurs nageoires ondulantes. Un jeu s’instaure entre nous : qui partira le premier ? Après une dizaine de photos, je les quitte enfin, satisfait de moi. Et, évidemment sur le site de Magico, l’ambiance est magique d’autant plus qu’un superbe poisson grenouille jaune, lové dans une éponge, veut bien jouer les stars. Donc, pour cette sortie à la journée, première immersion de 60 minutes à 30 mètres, la deuxième, 60 minutes à 20 mètres et la troisième 60 minutes à 15 mètres, toujours dans la courbe de sécurité. J’adore ce rythme, peu fatigant, qui se prête bien à la photo : cent photos sous-marines par jour, c’est une bonne moyenne dans ces contrées lointaines et si riches ! Entre la deuxième et la troisième plongée, repos et pique-nique sur la plage de Sahaung juste en face des radeaux en bambou où vivent les pêcheurs aux lamparos.
Mais, le plus fou dans cette région, surtout pour les photographes en quête de petits animaux extraordinaires, reste le détroit de Lembeh que nous atteignons après deux heures de route vers l’est. Nous traversons les embouteillages de Manado pour embarquer sur des petits bateaux locaux qui nous permettent de pratiquer ce que les Anglo-Saxons appellent le « muck-diving » (plongée dans la vase, la lave ou la boue). Là, je ne pourrai malheureusement pas énumérer tous les animaux rares et curieux que nous rencontrons au mètre carré mais ils sont de toutes sortes, aux formes et couleurs les plus étranges sur fond de sable volcanique noir. Des dizaines en une seule journée. Ces multiples créatures déploient moult stratagèmes pour vivre et survivre dans ce milieu, à priori hostile. Pour le plus plaisir des passionnés de nature. Le retour par la route qui serpente à travers les grappes de bougainvilliers aux teintes nuancées enchante aussi nos yeux de touristes. De nombreux triporteur nous croisent (les « Bentor ») en dépit des règles de conduite européenne et de la nuit, tous les véhicules n’ont pas d’éclairage bien sûr : l’aventure c’est l’aventure ! Notre sens olfactif est aussi très sollicité par les odeurs des multiples fruits ou fleurs qui bordent notre chemin, mélangées à celles plus violentes de la très bonne cuisine indonésienne qui s’exhale des habitations.
La plongée de nuit de la semaine nous apporte, comme toutes les plongées nocturnes, la part de mystère qui caractérise ces moments d’exception. Pour donner de véritables sensations visuelles et émotives à notre esprit, il faut savoir jouer des instants magiques, des multiples détails qui enrichissent la vie, peu à peu, jusqu’à forger un être à part entière : tout à la fois comblé de son passé et à l’écoute de son présent. Dans un subtil jeu de couleurs pastel ou vives, de formes et de volumes, d’ombres mystérieuses, le Sulawesi dévoile ici tous ses trésors pour nous envelopper d’une atmosphère de plénitude. Sous l’eau de Manado, nous sommes loin des sentiers battus mais proches de nos vibrations primitives. Chaque seconde semble une éternité et pourtant ces instants lumineux sont toujours trop courts. Ici, un crabe orné de 1 000 artifices de camouflage pour mieux attaquer. On en oublie presque sa laideur. Et cet autre aux cheveux en bataille. Ou bien cette crevette aux rouges éclatants, ces minuscules limaces colorées, ces cornatules en mouvement sautant de corail en corail, ces danseuses espagnoles, ces poissons endormis, toujours aussi comiques, encore et encore… puis, la lune ma première image au-delà de la surface. Aucun vent aucun nuage ne vient troubler ce plafond céleste qui paraît infini : quel beau cadeau !
Alors que ces beautés envoûtantes font battre mon cœur de rythmes heureux, je pense, ivre d’histoires extraordinaires. Je pense mais cela, c’est une autre histoire…
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© Tout droit de reproduction réservé - Texte et photo H. Eskenazi
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