Les petits nains subaquatiques
Insolite - Des nains de jardin ont élu domicile au large d’Hermance.
Il était une fois sept petits nains… Une histoire que Jean raconte comme un conte de Noël. A la table du bistrot, le bonhomme tire sur sa cigarette et feint la distance. «Au départ, c'était juste un gag», insiste-t-il.
Il y a trois ans, Anne, son épouse, lui offre un nain de jardin en plâtre. Pour décorer le chalet qu'ils viennent d'acheter à Sixt-Fer-à-Cheval. «Elle savait que je trouvais cela kitch et de mauvais goût.» Jean n'a pas dit son dernier mot. Le lendemain, l'épouse taquine est prise à son propre piège. Le nain est sous le sapin, droit dans ses bottes. «Je l'ai bien eue», raconte Jean dans un éclat de rire.
Le petit personnage en plâtre entre dans la vie du couple. Malheureusement, le jeu prend fin prématurément. Un beau matin, le petit nain en plâtre est retrouvé en pièces. «Ah! les salauds», s'écrie Jean. Des gamins, des satanés gamins qui n'aiment pas les nains de jardin se sont acharnés sur lui. La guerre est déclarée. Il n'y aura plus un nain dans le jardin mais sept nains.
Comme ils ont le teint bien trop pâle, Jean décide de les peindre à l'effigie de chacun des membres de son groupe de rock, Chuchichäschtli. En patois bernois, «petite armoire de cuisine». Une bande de joyeux drilles, inséparables. Depuis quinze ans, ces mordus de «punk-rock psychédélique rural» se retrouvent régulièrement à leur QG de Chêne-Bougeries, au café de la Fontaine chez Germaine dite «gros Néné».
Il y a Jean, alias «le crabe souffleur», Bioman, le guitariste, El Mutan, l'autre guitariste, Finger in the nose, le bassiste, Pouet, le saxo, Hans Ruedi Pfulmli, le chanteur, Jambon 007, le batteur, et Pipo, le pianiste. Jean veut que la ressemblance soit parfaite. Il passe des heures à peindre ses nains pour restituer l'âme de chaque membre du groupe.
Au seuil de son soixantième anniversaire, Jean prétexte une cérémonie de vernissage de ses nains de jardin pour inviter ses potes à une grande fête. Les figurines en béton mélangées de plâtre ont maintenant une histoire. Jean ne peut se résigner à s'en débarrasser. Après tout, ce sont ses copains. «Je ne voulais pas qu'ils croupissent dans le noir au fond d'un cabanon.» Il ne peut pas non plus les laisser sous les sapins du jardin. «Anne éprouvait une certaine angoisse à l'idée de voir repousser les lutins multicolores en même temps que les primevères.»
La plaisanterie doit prendre fin. Jean est embarrassé. «Au bout d'un moment, j'ai fini par me prendre d'affection pour eux et je ne pouvais pas non plus les détruire, car ne dit-on pas en ce qui concerne les nains: le Grimm ne paie pas!», avoue-t-il. Jean se dit qu'il va déposer ses nains dans la forêt ou encore les installer sur un giratoire à Genève. Un ultime pied de nez. Mais en surface, le monde est ingrat et cruel.
Personne ne se laisserait enivrer par la poésie du geste. Le lac, il reste donc que le lac et ses eaux froides détentrices de tant de secrets. Au début de l'automne, cinq des sept nains sont immergés au large d'Hermance, sur un site de plongée, par 16 mètres de fond. Pour qu'ils arrivent en bas sans s'abîmer – ils pèsent 15 à 20 kg – on les équipe de parachutes.
Depuis deux mois, ils tiennent compagnies aux brochets et aux perches. Parce qu'ils ne savent pas nager, «le crabe souffleur» et «Finger in the nose» sont restés parmi les hommes… pour raconter leur histoire. «Je me dis qu'au moins, ils sont heureux là où ils sont. Ils ont une vie aquatique somme toute très sympathique», conclut Jean.
Source
Il était une fois sept petits nains… Une histoire que Jean raconte comme un conte de Noël. A la table du bistrot, le bonhomme tire sur sa cigarette et feint la distance. «Au départ, c'était juste un gag», insiste-t-il.
Il y a trois ans, Anne, son épouse, lui offre un nain de jardin en plâtre. Pour décorer le chalet qu'ils viennent d'acheter à Sixt-Fer-à-Cheval. «Elle savait que je trouvais cela kitch et de mauvais goût.» Jean n'a pas dit son dernier mot. Le lendemain, l'épouse taquine est prise à son propre piège. Le nain est sous le sapin, droit dans ses bottes. «Je l'ai bien eue», raconte Jean dans un éclat de rire.
Le petit personnage en plâtre entre dans la vie du couple. Malheureusement, le jeu prend fin prématurément. Un beau matin, le petit nain en plâtre est retrouvé en pièces. «Ah! les salauds», s'écrie Jean. Des gamins, des satanés gamins qui n'aiment pas les nains de jardin se sont acharnés sur lui. La guerre est déclarée. Il n'y aura plus un nain dans le jardin mais sept nains.
Comme ils ont le teint bien trop pâle, Jean décide de les peindre à l'effigie de chacun des membres de son groupe de rock, Chuchichäschtli. En patois bernois, «petite armoire de cuisine». Une bande de joyeux drilles, inséparables. Depuis quinze ans, ces mordus de «punk-rock psychédélique rural» se retrouvent régulièrement à leur QG de Chêne-Bougeries, au café de la Fontaine chez Germaine dite «gros Néné».
Il y a Jean, alias «le crabe souffleur», Bioman, le guitariste, El Mutan, l'autre guitariste, Finger in the nose, le bassiste, Pouet, le saxo, Hans Ruedi Pfulmli, le chanteur, Jambon 007, le batteur, et Pipo, le pianiste. Jean veut que la ressemblance soit parfaite. Il passe des heures à peindre ses nains pour restituer l'âme de chaque membre du groupe.
Au seuil de son soixantième anniversaire, Jean prétexte une cérémonie de vernissage de ses nains de jardin pour inviter ses potes à une grande fête. Les figurines en béton mélangées de plâtre ont maintenant une histoire. Jean ne peut se résigner à s'en débarrasser. Après tout, ce sont ses copains. «Je ne voulais pas qu'ils croupissent dans le noir au fond d'un cabanon.» Il ne peut pas non plus les laisser sous les sapins du jardin. «Anne éprouvait une certaine angoisse à l'idée de voir repousser les lutins multicolores en même temps que les primevères.»
La plaisanterie doit prendre fin. Jean est embarrassé. «Au bout d'un moment, j'ai fini par me prendre d'affection pour eux et je ne pouvais pas non plus les détruire, car ne dit-on pas en ce qui concerne les nains: le Grimm ne paie pas!», avoue-t-il. Jean se dit qu'il va déposer ses nains dans la forêt ou encore les installer sur un giratoire à Genève. Un ultime pied de nez. Mais en surface, le monde est ingrat et cruel.
Personne ne se laisserait enivrer par la poésie du geste. Le lac, il reste donc que le lac et ses eaux froides détentrices de tant de secrets. Au début de l'automne, cinq des sept nains sont immergés au large d'Hermance, sur un site de plongée, par 16 mètres de fond. Pour qu'ils arrivent en bas sans s'abîmer – ils pèsent 15 à 20 kg – on les équipe de parachutes.
Depuis deux mois, ils tiennent compagnies aux brochets et aux perches. Parce qu'ils ne savent pas nager, «le crabe souffleur» et «Finger in the nose» sont restés parmi les hommes… pour raconter leur histoire. «Je me dis qu'au moins, ils sont heureux là où ils sont. Ils ont une vie aquatique somme toute très sympathique», conclut Jean.
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