Plongée sous-marine en siphon à la grotte de Trabuc
Grâce à la récente plongée de Frank Vasseur, on connaît enfin la topographie complète du siphon Golenvaux, situé dans la partie la plus amont de la grotte de Trabuc.
Si TF1 a décidé de programmer à nouveau des émissions Ushuaia nature à 20h45, c’est que ça paye ! Est-ce la preuve d’une élévation des consciences dans le sens du respect de la biodiversité, d’une attention plus grande à l’avenir de notre planète ? Ce qui est sûr c’est qu’entre invitation au voyage, éducation au respect de l’environnement et découvertes de mondes inconnus, le ton de ce genre d’émissions plait. Vous rêvez, vous aussi, de vous glisser dans les pas du beau Nicolas (non pas celui-là… l’autre !) Vous aspirez à de sauvages expéditions au cœur de la nature… Pas besoin de partir en Ulm aux fins fonds de la Patagonie, il y a plus simple : rejoignez le club de spéléo le plus proche de chez vous. Effet garanti !
Le 16 décembre dernier souvenez-vous, les Cévennes étaient encore blanches de la neige tombée la veille. Bravant le verglas, arrivant du Gard, de l’Hérault et même de Toulouse, une dizaine de voitures s’engageaient dès neuf heures du matin sur la petite route de montagne qui monte jusqu’à la grotte de Trabuc. Ambiance hors saison dans ce site prévu pour le tourisme estival. Ca change des entrées de grotte perdues en plein serre.
Les rideaux métalliques sont tirés, heureusement Manu a la clef. On rentre vite le matos, on s’ébroue pour chasser le froid et en plus il va falloir se déshabiller ! Les conversations sont pointues, ça sent l’expédition scientifique à plein nez, il faut dire qu’il y a du beau monde en train d’enfiler combinaisons, bottes et casques dans le hall d’accueil. On croise notamment Laurent Bruxelles, géo morphologue, chercheur au CNRS de Toulouse, Vincent Trié, chercheur biologiste malacologue (ça veut dire qu’il se passionne pour les escargots), Frank Vasseur et Jean-Marc Belin tous deux plongeurs souterrains réputés, Michel Wienin qu’on ne présente plus en région alésienne et tous les autres spéléos de l’expédition au pedigree peut-être moins prestigieux mais tout autant essentiels au bon déroulé de la sortie. On reconnaît même Henri Paloc, hydro géologue à la retraite, ancien directeur du BRGM (recherche géologique et minière) qui passe juste pour dire bonjour. Pourquoi sont-ils là ? Parce que Frank Vasseur est venu pour plonger dans le siphon Golenvaux, le plus en amont de la cavité.
C’est en 1965 que pour la première fois une plongeuse, Lucienne Golenvaux, se met à l’eau dans cette partie terminale de la grotte. Une première plongée dans le siphon qui sera prolongée par le SCSP d’Alès entre 1982 et 1986 sur cent soixante dix mètres. Puis jusqu’à quatre cents mètres par Jean-Charles Chouquet en 1988, il en ramènera un relevé topographique.
Dernière plongée : celle de Marc Douchet en 1993 qui stoppe dans une galerie étroite et argileuse à la cote 530m. Pourquoi ce siphon suscite-il tant d’intérêt ? Tout simplement parce que les spéléos sont persuadés qu’une partie conséquente du réseau de Trabuc est encore inexplorée, qu’à ce jour on n’a pas trouvé de passage pour l’atteindre et que le chemin de l’eau pourrait être une voie. L’objectif de la plongée de Frank était donc de lever la topographie au delà du terminus de JC Chouquet et d’explorer toutes les possibilités à la recherche d’une suite possible de la cavité.
Une première tentative de plongée s’était soldée par un échec en août dernier, pour de complexes raisons de niveaux d’eau dans les différents siphons (cf Marseillaise du 14 août).
Cette fois l’aventure s’est mieux passée. Trois jours plus tôt, le jeudi, une première équipée était déjà descendue en reconnaissance afin de porter le matériel de plongée au pied du siphon et de vérifier les niveaux d’eau. Dimanche matin, il ne restait donc plus qu’à plonger.
Après une progression sous terre de vingt minutes et la descente d’un puits de trente mètres, Frank Vasseur se met à l’eau équipé de son recycleur, matériel à la pointe de la technologie. Après plus de trois heures d’exploration subaquatique, il ressort avec une certitude : ça ne continue pas par là.
Il raconte : « à partir de 500m, le siphon se réduit en section, s'encrasse de dépôts limoneux blanchâtres (absents jusqu'alors dans le siphon) et la visibilité descend brutalement à moins d'un mètre (pour 3 à 4m de visi dans le reste du siphon). J'ai fait demi-tour quelques mètres avant le terminus de Douchet (dès que j'ai trouvé un endroit assez large pour me retourner), persuadé que la suite n'est pas là. Retour en topographiant les 130 derniers mètres et en remontant deux cheminées propres, mais qui pincent irrémédiablement pour les personnes de ma sveltesse. J'ai bien zieuté dans tout le siphon au retour, sans rien trouver d'autre ».
Voilà on sait maintenant, il faudra que les spéléos cherchent la suite ailleurs. Pendant la plongée, toute l’équipe qui accompagnait surtout pour aider à remonter le matériel -un portage d’une quinzaine de sacs, certains pesant plus de dix kilos- ne s’est pas ennuyée. Répartis en deux expéditions les spéléos sont allés d’une part avec Laurent Bruxelles à la découverte des « fantomes de grotte » (explications dans un prochain article) et d’autre part avec Vincent Trié et Michel Wienin à la chasse aux Paladilhia umbilicata, des mollusques cavernicoles endémiques (*) des grottes de Trabuc.
Auteur: Isabelle Jouve
Source: La Marseillaise
Si TF1 a décidé de programmer à nouveau des émissions Ushuaia nature à 20h45, c’est que ça paye ! Est-ce la preuve d’une élévation des consciences dans le sens du respect de la biodiversité, d’une attention plus grande à l’avenir de notre planète ? Ce qui est sûr c’est qu’entre invitation au voyage, éducation au respect de l’environnement et découvertes de mondes inconnus, le ton de ce genre d’émissions plait. Vous rêvez, vous aussi, de vous glisser dans les pas du beau Nicolas (non pas celui-là… l’autre !) Vous aspirez à de sauvages expéditions au cœur de la nature… Pas besoin de partir en Ulm aux fins fonds de la Patagonie, il y a plus simple : rejoignez le club de spéléo le plus proche de chez vous. Effet garanti !
Le 16 décembre dernier souvenez-vous, les Cévennes étaient encore blanches de la neige tombée la veille. Bravant le verglas, arrivant du Gard, de l’Hérault et même de Toulouse, une dizaine de voitures s’engageaient dès neuf heures du matin sur la petite route de montagne qui monte jusqu’à la grotte de Trabuc. Ambiance hors saison dans ce site prévu pour le tourisme estival. Ca change des entrées de grotte perdues en plein serre.
Les rideaux métalliques sont tirés, heureusement Manu a la clef. On rentre vite le matos, on s’ébroue pour chasser le froid et en plus il va falloir se déshabiller ! Les conversations sont pointues, ça sent l’expédition scientifique à plein nez, il faut dire qu’il y a du beau monde en train d’enfiler combinaisons, bottes et casques dans le hall d’accueil. On croise notamment Laurent Bruxelles, géo morphologue, chercheur au CNRS de Toulouse, Vincent Trié, chercheur biologiste malacologue (ça veut dire qu’il se passionne pour les escargots), Frank Vasseur et Jean-Marc Belin tous deux plongeurs souterrains réputés, Michel Wienin qu’on ne présente plus en région alésienne et tous les autres spéléos de l’expédition au pedigree peut-être moins prestigieux mais tout autant essentiels au bon déroulé de la sortie. On reconnaît même Henri Paloc, hydro géologue à la retraite, ancien directeur du BRGM (recherche géologique et minière) qui passe juste pour dire bonjour. Pourquoi sont-ils là ? Parce que Frank Vasseur est venu pour plonger dans le siphon Golenvaux, le plus en amont de la cavité.
C’est en 1965 que pour la première fois une plongeuse, Lucienne Golenvaux, se met à l’eau dans cette partie terminale de la grotte. Une première plongée dans le siphon qui sera prolongée par le SCSP d’Alès entre 1982 et 1986 sur cent soixante dix mètres. Puis jusqu’à quatre cents mètres par Jean-Charles Chouquet en 1988, il en ramènera un relevé topographique.
Dernière plongée : celle de Marc Douchet en 1993 qui stoppe dans une galerie étroite et argileuse à la cote 530m. Pourquoi ce siphon suscite-il tant d’intérêt ? Tout simplement parce que les spéléos sont persuadés qu’une partie conséquente du réseau de Trabuc est encore inexplorée, qu’à ce jour on n’a pas trouvé de passage pour l’atteindre et que le chemin de l’eau pourrait être une voie. L’objectif de la plongée de Frank était donc de lever la topographie au delà du terminus de JC Chouquet et d’explorer toutes les possibilités à la recherche d’une suite possible de la cavité.
Une première tentative de plongée s’était soldée par un échec en août dernier, pour de complexes raisons de niveaux d’eau dans les différents siphons (cf Marseillaise du 14 août).
Cette fois l’aventure s’est mieux passée. Trois jours plus tôt, le jeudi, une première équipée était déjà descendue en reconnaissance afin de porter le matériel de plongée au pied du siphon et de vérifier les niveaux d’eau. Dimanche matin, il ne restait donc plus qu’à plonger.
Après une progression sous terre de vingt minutes et la descente d’un puits de trente mètres, Frank Vasseur se met à l’eau équipé de son recycleur, matériel à la pointe de la technologie. Après plus de trois heures d’exploration subaquatique, il ressort avec une certitude : ça ne continue pas par là.
Il raconte : « à partir de 500m, le siphon se réduit en section, s'encrasse de dépôts limoneux blanchâtres (absents jusqu'alors dans le siphon) et la visibilité descend brutalement à moins d'un mètre (pour 3 à 4m de visi dans le reste du siphon). J'ai fait demi-tour quelques mètres avant le terminus de Douchet (dès que j'ai trouvé un endroit assez large pour me retourner), persuadé que la suite n'est pas là. Retour en topographiant les 130 derniers mètres et en remontant deux cheminées propres, mais qui pincent irrémédiablement pour les personnes de ma sveltesse. J'ai bien zieuté dans tout le siphon au retour, sans rien trouver d'autre ».
Voilà on sait maintenant, il faudra que les spéléos cherchent la suite ailleurs. Pendant la plongée, toute l’équipe qui accompagnait surtout pour aider à remonter le matériel -un portage d’une quinzaine de sacs, certains pesant plus de dix kilos- ne s’est pas ennuyée. Répartis en deux expéditions les spéléos sont allés d’une part avec Laurent Bruxelles à la découverte des « fantomes de grotte » (explications dans un prochain article) et d’autre part avec Vincent Trié et Michel Wienin à la chasse aux Paladilhia umbilicata, des mollusques cavernicoles endémiques (*) des grottes de Trabuc.
Auteur: Isabelle Jouve
Source: La Marseillaise
