Plongée : Dans les entrailles du vaisseau fantôme
Les plongeurs aiment les épaves. Ces sites abritent une vie marine foisonnante et offrent des décors grandioses à ceux qui osent s’en approcher. L’Haï-Siang ne déroge pas à la règle. Ce navire long de 49 mètres, dont le nom signifie “cochon sauvage”, a été coulé au début des années quatre-vingt au large de la pointe des Aigrettes. Il repose par 54 mètres sur un fond sableux. Autant dire que son exploration est réservée aux plongeurs confirmés. Si les conditions météo sont réunies, le spectacle est unique. Nicolas Glélé-Kakaï, responsable du centre de plongée Ô sea bleu nous a guidés vers le bateau fantôme.
7h30 hier, sur un des pontons du port de plaisance de Saint-Gilles. Le moteur du bateau à fond plat s’ébroue joyeusement. À cette heure matinale, nous sommes encore un peu assoupis mais l’envie de découvrir l’Haï-Siang, posé sur son lit de sable, est la plus forte. Chacun vérifie une dernière fois son matériel : rien ne doit être laissé au hasard pour les plongées effectuées à de grandes profondeurs. Après un bref ravitaillement en carburant, nous faisons cap au nord. La dépression tropicale qui passe au large de la Réunion n’a pas entamé le moral des troupes. Le ciel est menaçant. Mais la mer est encore clémente et le bleu profond de l’océan nous permet d’espérer des conditions de visibilité excellentes.
Tel un spectre, l’Haï-Siang apparaît
Grâce au GPS, nous nous plaçons précisément à la verticale de l’Haï-Siang. L’ancre est jetée. Immersion. La descente dans le grand bleu se fait le long du mouillage. Nous sommes cinq, répartis en deux palanquées. Un moniteur assure la sécurité en surface. Entre 0 et 15 mètres, les autres plongeurs et la corde qui plonge tout droit vers les abysses, sont nos seuls repères. Puis, Nicolas qui supervise la plongée, se retourne vers nous en pointant une masse sombre qui semble sortir de nulle part. Tel un spectre, l’Haï-Siang paraît d’abord flotter entre deux eaux. À 30 mètres, le spectacle est à couper le souffle. La visibilité exceptionnelle permet d’avoir une vue panoramique sur le site. Le navire formosan, posé parfaitement à plat, semble avoir été relativement épargné par le quart de siècle qu’il vient de passer immergé. Arrivés devant la proue, nous entamons l’exploration du navire. Deux magnifiques rascasses volantes nous accueillent à bord. Les passagers sont nombreux. Raies pastenagues, carangues, murènes, mérou faraud, barracudas, thons et daurades peuvent être aperçus lors de cette plongée. Les gros pélagiques sont parfois de la partie. La semaine dernière, un marlin est même apparu lors de la remontée d’une palanquée. Si la coque de l’Haï-Siang est en relativement bon état, sa superstructure a cédé sous les coups de boutoir combinés de la houle et du courant. À l’avant du pont, il ne subsiste que l’ossature du château et les restes d’une cheminée où une murène a élu domicile il y a quelques années. À l’arrière, trois entrées différentes permettent de pénétrer dans la cale. Mais le mauvais état des parois métalliques du bateau, dont certaines sont particulièrement tranchantes, invite à la plus grande prudence. Coraux et alcyonaires ont colonisé les bases des mats. Derrière l’hélice, une énorme raie pastenague se prélasse sur le sable. Les ordinateurs de plongée indiquent un temps d’immersion de 15 minutes. Il est temps d’entamer une lente remontée. Sous nos palmes, l’Haï-Siang s’évanouit comme si cette plongée n’avait été qu’un songe.
Auteur: Brice Magné
Source: clicanoo.com